« Contre vents et marées » de Abdallah Ibrahim en traduction française
La traduction française de l’ouvrage « Contre vents et marées, essai d’explication de l’histoire du grand maghreb » de Abdallah Ibrahim, vient de paraître aux éditions « La Croisée des Chemins ».
Initialement publié en langue arabe en 1976 sous le titre « Somoud Wassatal I’ssar », l’essai a été traduit par Hassan Benaddi en partenariat avec la Fondation Abdallah Ibrahim, grâce auxquels « la réflexion de celui qui fut une figure marquante de l’histoire politique marocaine est disponible aux lecteurs et lectrices fracophones ».
L’éditeur a en outre noté que « d’aucuns oublient que Abdallah Ibrahim ne fut pas seulement un homme politique, ayant notamment présidé, à la fin des années 1950, à une des expériences gouvernementales les plus audacieuses de l’histoire du Maroc indépendant, mais qu’il a également été un des penseurs les plus brillants de la scène nationale, voire arabe », ajoutant que « c’est ce que vient rappeler, de façon on ne peut plus brûlante, la traduction que vient de consacrer le non moins intellectuel et journaliste Hassan Benaddi à un des ouvrages majeurs de l’ancien président du conseil du gouvernement, à savoir Contre vents et marées ».
En effet, le livre apprend au lecteur que « l’évolution des peuples ressemble à des lignes géométriques. Il est des lignes droites et des lignes brisées. Contrairement aux pays d’Europe, la ligne d’évolution du Maghreb s’est historiquement brisée, au moins à trois reprises, au cours de trois mille ans : lorsqu’il est exclu du courant millénaire de la civilisation carthaginoise, pour se latiniser et se christianiser progressivement, sous la férule des Romains ; puis lorsqu’il rompt avec l’influence romaine, pour s’arabiser et embrasser l’Islam », écrit l’éditeur sur sa page Facebook.
Son arabité et son Islam deviennent, poursuit-il, les leviers de sa gloire nationale et les fondements de la grandeur de ses empires. La ligne se brise une troisième fois lorsque le Maghreb s’est trouvé incapable de suivre le rythme de l’évolution globale de la civilisation humaine. « C’était au cours des siècles de la féodalité et de l’inertie. Il s’est trouvé au cours du 19e siècle face à l’impérialisme international, alors qu’il était miné à l’intérieur par les séquelles de l’asservissement et de l’arbitraire », relève « La Croisée des Chemins ».
Et d’ajouter qu’il ne pouvait relever les défis historiques, face aux impératifs de l’urgence et du déséquilibre des forces matérielles (…), ni « faire face à un monde plus complexe et mieux armé », notant que « sa seule chance, c’est qu’il n’était pas seul. Il s’est trouvé dans le même camp que les autres peuples arriérés comme lui, mais qui étaient tous décidés, dans les trois continents, à gagner la bataille du destin ».
L’on peut également lire, dans l’avant-propos signé Tarik Ibrahim, par ailleurs président de la Fondation Abdallah Ibrahim, que « cinquante ans sont passés, cet ouvrage a traversé le temps sans aucune ride ».
« Cette traduction pertinente propose de révéler une approche historique du Grand Maghreb y compris dans son dispositif critique, afin de l’introduire dans le débat politico-culturel maghrébin, et présente aux lecteurs francophones une assise de réflexion incontournable », souligne M. Ibrahim, faisant valoir que « cette œuvre lève le voile sur l’étendue d’un terrain inavoué à découvrir. Mais elle fait également beaucoup plus. Elle ne se dissipe pas dans le politiquement correct et, surtout, elle nous incite à aller plus loin dans une réflexion orientée vers un avenir plus responsable ». Hassan Benaddi, écrit-il plus loin, offre à la Fondation Abdallah Ibrahim, à travers cette traduction, une contribution remarquable tant sur le plan humain que politique.
« C’est avec beaucoup de finesse et d’habileté qu’il interprète l’œuvre de Abdallah Ibrahim. Ils se sont côtoyés sur le chemin de la politique et du syndicalisme et autour de discussions riches et denses d’enseignements sur des thèmes variés culturels ou d’actualité », a-t-il encore révélé. Feu Abdallah Ibrahim (1918 – 2005) est une grande figure du mouvement national, un homme politique marocain progressiste et un professeur de l’enseignement supérieur. En 1945, il s’inscrit à la Sorbonne à Paris où il côtoie, entre autres, André Breton, Jean-Paul Sartre et Louis Aragon.
En 1956, il occupe le poste de ministre du Travail dans le premier gouvernement post-indépendance puis celui de ministre de l’Emploi et des Affaires Sociales dans le second. Deux ans plus tard, il est nommé, par Feu SM le Roi Mohammed V, Président du conseil du gouvernement et ministre des Affaires Étrangères. Il est l’auteur de plusieurs ouvrages politiques et littéraires invitant à la réflexion et au dialogue. Il a également écrit un essai consacré à la poésie.