Abdellatif Ouahbi, un avocat qui a conduit une révolution au sein du PAM
Le 26 novembre 2021 restera une journée mémorable dans le parcours d’Abdellatif Ouahbi, secrétaire général du parti libéral marocain « Authenticité et modernité » qui participe au gouvernement d’Aziz Akhannouch, puisque cette date marque l’annonce de la composition du nouveau bureau politique lors de la réunion du conseil national tenu dans la ville de Marrakech.
Le quotidien arabe Acharq Al Awsat qui dresse samedi un long portrait de M. Ouahbi, relève que près de 21 mois après avoir pris la direction du parti, le 9 février 2020, dans des conditions « extrêmement inconfortables » à cause de l’impact de la pandémie du Covid-19 et des préparatifs du marathon électoral du 08 septembre, M. Ouahbi a su surmonter l’adversité pour maintenir la position du parti sur la scène politique marocaine, en étant « même proche de devenir chef de gouvernement ».
La nomination d’Abdellatif Ouahbi au poste de ministre de la Justice dans le gouvernement d’Aziz Akhannouch, le 7 octobre, n’était que l’aboutissement du parcours d’un homme politique au passé chargé de luttes politiques et sur le plan des droits de l’Homme, souligne le journal.
M. Ouahbi est né en 1961 à Taroudant (à l’est d’Agadir) dans une famille de résistants, avant de devenir depuis septembre dernier le mairede cette ville, et son représentant au Parlement.
Son père est un berbère de la région du Soussqui s’est engagé dans le mouvement de résistance contre le colonialisme français à Casablanca, avant de s’installer dans le nord du pays alors occupé par l’Espagne.
Après l’indépendance du Maroc, le père de Abdellatif Ouahbi a rejoint l’Union nationale des forces populaires puis l’Union socialiste des forces populaires.
M. Ouahbi a fait ses études primaires et secondaires dans sa ville natale. Après le baccalauréat, il va s’installer à Rabat pour étudier le droit à l’université Mohammed V et obtenir une licence.
Passionné par la profession d’avocat, il a commencé sa formation dans le cabinet de feu Ahmed Benjelloun, l’un des dirigeants du Parti de l’avant-garde démocratique et socialiste(PADS). En 1989, il va adhérer à l’Association marocaine des droits de l’Homme dont il suit les activités depuis sa jeunesse à Taroudant, puis il a rejoint le PADS.
Avocat brillant
En 1996, M. Ouahbi quitte le PADS et se consacre à sa profession pour devenir un avocat « prospère » et « bien connu » à Rabat, jusqu‘à son adhésion au Parti authenticité et modernité en 2010.
En 2011, il se présenta aux élections législatives, mais le changement majeur de son parcours a été enregistré en 2019 lorsqu’il va mener un mouvement de redressement au sein de ce parti et présider à sa destinée.
Aux législatives du 08 septembre, le PAM a obtenu 87 sièges, derrière le Rassemblement national des indépendants, qui a en raflé 102.
M. Ouahbi est devenu célèbre pour sa défense des étudiants arrêtés lors des événements de l’université au cours des années 90 du siècle dernier. Il considérait les condamnations prononcées à leur encontre comme «sévères ». Il a également pris la défense des hommes d’affaires arrêtés lors de la campagne d’assainissement dirigée par l’ancien ministre de l’Intérieur Driss Basri en 1995.
Authenticité et Modernité : La création
En 2008, le Parti Authenticité et Modernité a été fondé par plusieurs personnalités appartenant à des divers horizons politiques (gauche, droite et notables), notamment Fouad Ali El Himma, qui s’est ensuite retiré du parti et a été nommé conseiller du Roi Mohammed VI.
Le parti a rapidement réussi à s’imposer sur la scène politique, lorsqu’il a remporté la première place aux élections locales en 2009, et misait sur la victoire aux élections législatives de 2016.
Au cours de la législature 2011-2016, M. Ouahbi s‘est imposé en tant que leader du groupe du parti à la Chambre des représentants qui a mené l’opposition contre le gouvernement d’Abdelilah Benkirane. Plus tard, il va diriger la commission de la justice et de la législation à la Chambre des représentants et a également été élu vice-président de la première chambre.
Mais le changement majeur s’est produit en 2019 lorsqu’il annonça la création du «Mouvement de l’avenir » au sein du PAM, que plusieurs dirigeants de ce parti vont rejoindre pour affronter le courant mené par l’ancien secrétaire général Hakim Benchemach.
Le congrès national tenu à El Jadida en février 2020 a élu Abdellatif Ouahbi à la tête du PAM à la place de Benchemach, marquant un tournant dans la vie de cette formation politique.
Autocritique
M. Ouahbi s‘est déclaré prêt à faire une autocritique audacieuse de la voie suivie par son parti et à changer son orientation puisque le parti était accusé d’être un « parti de l’État »ou un « parti des instructions » en raison des circonstances de sa création.
Le nouveau secrétaire général du PAM veut en finir avec cette situation et faire du PAM un parti « normal », soulignant la nécessité de rompre les liens entre le parti à l’État et se soumettre aux obligations prévues par la Constitution du Royaume.
Il a également promis de restructurer le parti pour qu’il soit ouvert aux jeunes et au grand public, et de garantir « l’indépendance de la décision du parti ». Il avait toujours l’habitude de dire que les partis de l’État ont tous échoué dans les pays arabes comme la Tunisie, la Syrie et l’Irak.
Il ne faut pas aussi omettre un point important c’est que le PAM a brandi depuis sa création le slogan « combattre les islamistes », mais M. Ouahbi a inversé l’équation, considérant le Parti de la justice et du développement comme un parti « national » travaillant dans le cadre de la Constitution, et se déclarant prêt au dialogue et à la coopération avec cette formation politique.
Il a également plaidé pour une ouverture politique à travers la libération des détenus des événements du Rif.
Positions et déclarations passionnantes
Pour Acharq Al Awsat, les prises de position et les déclarations de Abdellatif Ouahbisuscitent l’intérêt des observateurs, en particulier lorsqu’il soulève des dossiers avec une audace inhabituelle, dont le dernier en date était son annonce lors d’une émission télévisée qu’il avait l’intention de soumettre une requête de grâce à SM le Roi Mohammed VI au profit des détenus des évènements du Rif.
De plus, M. Ouahbi était, avant de devenir ministre, l’instigateur de la formation d’unecommission exploratoire parlementaire sur les Marocains retenus en Syrie et en Irak et qui ont rejoint l’Etat islamique.
Il avait aussi appelé avant les élections du 8 septembre à la dissolution de la Chambre des conseillers, la considérant comme une « perte de temps législatif ».
Relation avec le roi
Abdellatif Ouahbi « ne trouve aucune gêne »de parler de ce qui s’est passé entre lui et le Roi Mohammed VI lorsqu’il l’a reçu après son élection au poste de secrétaire général du PAM.
Il a déclaré, dans une de ses interviews à la presse, que « le Roi, de par sa nature, vous met à l’aise de lui parler franchement et clairement ». Il a ajouté qu’il s’était entretenu avec le Roi de tout, « de la politique à Taroudant », précisant que le Souverain a « de très grandes ambitions » pour son pays et « connaît tous les détails des enjeux du Royaume« .
Et lorsque le PAM a publié un livre sur son expérience, son leader a tenu à en envoyer une copie « en cadeau » au Roi Mohammed VI qui lui a envoyé, en retour, une lettre de remerciements, conclut Acharq Al Awsat.