Reddition des comptes : L’Intérieur assure-t-il le renfort à A. Ouahbi ?
Par Perspectives Med
Le ministère de l’Intérieur hausse le ton contre les associations ne disposant plus de la qualité juridique requise. «Certaines instances associatives, notamment les associations professionnelles, publient des communiqués sur leurs activités, leurs positions ou leurs décisions même si elles ne disposent pas de la qualité juridique requise, en raison de leur non-conformité avec les dispositions juridiques et du non renouvellement de leurs instances dirigeantes, comme le stipule la loi réglementant le droit d’association», précise lundi un communiqué du département dirigé par Abdelouafi Laftite.
Le ministère estime que «ces pratiques induisent en erreur l’opinion publique nationale et internationale et portent atteinte à l’esprit même de l’État de droit basé sur l’équation entre exercice des droits et respect des obligations». Et de rappeler qu’«en sa qualité, le département gouvernemental responsable de la gestion des procédures relatives au statut juridique des associations se réserve le droit de mettre en application les procédures juridiques et judiciaires à l’encontre de ces instances qui enfreignent la loi».
Cette charge de l’Intérieur intervient une semaine après le réquisitoire fait par Abdellatif Ouahbi, ministre de la Justice, contre les associations de défense des biens publics qui estent en justice les présidents des communes. A la chambre des Conseillers, Abdellatif Ouahbi avait estimé, mardi dernier, que certaines ONG n’ont même pas la qualité juridique requise pour mener une telle action devant la justice. Et de promettre que son ministère prépare un amendement au code de procédure pénale visant à mettre la compétence du dépôt de plaintes envers les élus exclusivement entre les mains du ministère de l’Intérieur.
Au lendemain de ces menaces, le gouvernement Akhannouch a tenu à temporiser l’empressement du ministre de la Justice. «C’est prématuré d’arriver à cette étape. Il y a d’abord un ensemble de voies de ratification, y compris le conseil de gouvernement et le Parlement», avait indiqué jeudi, lors d’un point de presse, le ministre délégué chargé des Relations avec le Parlement, porte-parole du gouvernement, Mustapha Baïtas. La question qui se pose dès lors serait de savoir pourquoi l’Intérieur fait preuve d’un tel empressement. La reddition des comptes, principe auquel adhère une majorité de Marocains, majeurs et vaccinés, ne doit nullement prendre le pli d’une quelconque plasticité. Sans quoi, la situation du pays, déjà liquide, risque de déraper…
Un sit-in de l’AMPBP
L’Association marocaine de protection des biens publics (AMPBP) vient d’apporter une fois de plus réponse aux tentatives du ministre de la Justice qui veut faire interdire aux ONG la saisie du parquet dans les affaires de dilapidation des deniers publics par les présidents des communes.
Dans un communiqué produit dimanche, l’ONG qui considère les déclarations du ministre comme faisant partie de «nombreux indicateurs qui confirment l’absence d’une réelle volonté politique de la part du gouvernement pour lutter contre la corruption» appelle à la mobilisation, notamment en observant samedi 7 mai à 17h00, un sit-in de protestation devant le département de la Justice.
L’association a par ailleurs pointé «la volonté effrénée du ministre de la Justice de légiférer des mesures particulières pour les prévenus soupçonnés d’être impliqués dans des affaires de corruption en accordant un privilège à une catégorie particulière de citoyens (les élus), ce qui constitue une discrimination dans l’application de la loi et une violation flagrante des exigences constitutionnelles liées à l’égalité des personnes devant la justice». Elle a également averti du «danger» que représente la tentative du ministre de la Justice d’«impliquer le ministère de l’Intérieur dans des calculs politiques étriqués, en le poussant à prendre en charge la tâche de saisir le parquet des plaintes pour corruption et dilapidation de l’argent public, ce qui mettra le département dans une situation de partialité et d’ingérence dans les rôles du pouvoir judiciaire et son indépendance».
La loi accorde aux associations de la société civile, sous certaines conditions, le droit de se constituer partie civile (article 7 du Code de procédure pénale) devant les autorités judiciaires pour demander réparation et non pas simplement porter plainte, a rappelé l’organisation. A contrario, «le ministre s’est permis d’utiliser sa position gouvernementale pour violer ces acquis et contourner les exigences constitutionnelles dans l’élaboration et l’évaluation des politiques publiques», a-t-elle relevé.